Au Mali, la réforme de la décentralisation n'a pas trouvé un terrain institutionnel vierge. Au contraire, elle a investi des arènes sociopolitiques locales très complexes, fortement structurées et composées de groupes stratégiques aux intérêts divers et parfois profondément contradictoires. Ce faisant, la réforme a renforcé la « multicentricité » et la « polycéphalie ». L'addition de légitimités diverses et multiples est, dans la plupart des cas, porteuse de conflits, de crises profondes qui sont venus mettre à mal les cohabitations séculaires entre diverses communautés. En tenant compte de ce nouveau contexte, les acteurs ont su avec beaucoup d'intelligence et parfois de ruse redéfinir leurs intérêts de manière dynamique. Le nouveau pouvoir communal est plus souvent un pouvoir hybride, à l'intersection de multiples réseaux qui font référence à des repères historiques divers. Dans ce contexte, l'arène politique locale ressemble fort bien à une foire aux enchères où les acheteurs doivent se « procurer » les types de parrainage ou de patronage qui peuvent assurer le lien entre la légitimité historique et sociale, et la légalité des urnes.